Si nous sommes pour quelque chose dans nos fantasmes, nous pouvons avoir le sentiment de les contrôler.
Tel n’est pas le cas de nos errances nocturnes, et il n’est pas étonnant que nos pères inquiets les aient crus manigancées par des esprits supérieurs.
Peut-être n’est-il pas exagéré d’avancer que c’est parce que les hommes rêvent qu’ils ont inventé les dieux.
Longtemps cela resta du domaine de l’indubitable ; de doute, il n’y avait que quant au contenu des messages reçus ; il serait d’ailleurs plus approprié de parler de mises en demeure, puisque de tels gens n’ont que faire d’informer ; ils entendent être obéis ; ils se comportent comme des maîtres désœuvrés dont le divertissement est de laisser leurs serviteurs dans l’inconfort, en ne leur parlant que par énigmes.
L’oniromancie a fait la fortune de quantité de devins, et présidé à la naissance d’autant de clés des songes.
Elle a finalement permis l’éclosion d’une discipline nouvelle, avec son corrélat : le rêve révèle l’existence d’un inconscient.
Nous savons généralement gré à la psychanalyse d’avoir établi que chacun rêve à sa manière, et qu’on ne saurait appliquer à tout le monde une même grille de lecture ; la bourgeoisie, méritocratique, tient à l’individuation des peurs et des désirs.
Mais même ainsi affinée, cette nouvelle clé des songes laisse la part belle à l’aléatoire, aux analyses controuvées, au parti pris de l’investigateur.
Prenons acte que le récit onirique reste un fatras ; il mêle bêtes et gens, les vivants et les morts, et conserve rarement un fil directeur.
Voyons-y un défi, celui de faire mieux, de mettre dans l’ordre dans ce fatras, de donner forme à des histoires.
L’humanité a relevé le gant ; elle a opposé un contre modèle au chaos et à la fureur ; ce contre-modèle, on le nommera conte, on le nommera mythe.