La fantaisie a perdu de son charme, en même temps qu’une grande partie de son sens.
À la fin du XIXᵉ siècle, elle renvoyait à un voyage de l’imaginaire.
Il s’agissait de variations sur un thème ; des compositeurs ont donné ce titre à des œuvres où ils laissaient la part belle aux aléas de l’inspiration.
Cela valait pour d’autres domaines ; plasticiens, romanciers et poètes en faisaient un genre à part.
Si l’anglais fantasy a pu conserver cette acception, le français actuel n’en a rien gardé.
Chez nous, dorénavant, nommer la fantaisie, désigner un(e) fantaisiste, c’est déprécier le sujet, le traiter, au mieux, sur le pied d’une condescendance amusée.
Ainsi parlera-t-on de gens à qui on ne peut faire entièrement confiance, en proie à l’imprévisible, au changeant, au non maîtrisé.
La perte de prestige peut être imputée à Freud ; en lieu et place, il a forgé le concept de fantasme, orthographié à la grecque, avec un ph.
Ainsi médicalisé, le terme remodèle les faits, les soumet à l’arbitraire du désir ; parfois proche du délire, il devient un symptôme.
Pour redonner à la fantaisie ses lettres de noblesse, mieux vaut nous en remettre au poème éponyme de Nerval, au rêve familier de Verlaine ; ou réécouter, de Prokofiev, l’ensorcelant bal chez les Capulet.