La troupe de l’hôtel de Bourgogne aurait dû faire beaucoup d’ombre à l’illustre théâtre de Molière. Elle avait sur lui le privilège de l’ancienneté, et une longue tradition de prestigieux interprètes, naguère protégés par le cardinal de Richelieu.
Elle disposait aussi d’un plus vaste répertoire, qui allait des farces du siècle précédent à plusieurs tragédies de Corneille et Racine. Mais Molière proposait une esthétique nouvelle. Alors que les gens de l’hôtel de Bourgogne cultivaient un style déclamatoire et grandiloquent, Molière avait opté pour une sobriété de ton qui fit dire à La Fontaine, enchanté par la première des Fâcheux :
Et maintenant, il ne faut pas
Quitter la nature d’un pas.
La cour, et le roi lui-même, arbitres du bon goût et ennemis des cuistres, lui donna rapidement raison, ce qui permit au nouveau venu de ridiculiser son tonitruant rival Montfleury lors de la représentation de l’Impromptu de Versailles.
Mais après la mort du maître se produisit un avènement lourd de conséquences.
Louis XIV ordonna la fusion des deux troupes, et à terme, et pour longtemps, la façon de faire des séides de Montfleury reprit vigueur et s’imposa.
Nous en voyons encore l’heureux résultat dans le théâtre contemporain ; il est redevenu de bon ton, sinon obligatoire, de vociférer sur scène, de manquer sa cible à vouloir trop en faire.