On rêve d’un enseignement où le maître n’a d’autre règle que de tenir l’auditoire en éveil.
Des maîtres de cet acabit, l’institution sait qu’ils se font de plus en plus rares ; elle ne semble pas convaincue qu’il soit possible, voire souhaitable, d’en perpétuer le modèle.
En foi de quoi, pour exonérer son personnel de la dure nécessité d’intéresser les élèves, elle lui fournit un alibi inattaquable : la contrainte de boucler un programme.
Il est bien entendu qu’un programme est toujours trop long ; que pour en venir au bout, on ne s’attardera pas à tout expliquer ; qu’il faut savoir se forcer à en avaler les parties les moins digestes.
Ainsi s’affranchira-t-on de l’idée dérangeante selon laquelle apprendre devrait être source de joie ; on se convaincra aisément que l’effort mesure le mérite, ; on suspectera ceux à qui tout est facile de pouvoir toujours mieux faire, de ne pas donner les gages de souffrance à quoi on reconnaît les vrais bons élèves.
Les jurys d’examens et de concours y trouvent leur compte ; plutôt que de laisser au candidat une latitude de surprendre, par l’originalité d’une démarche, la grâce d’un discours autre qu’attendu, on exigera de lui qu’il restitue un contenu préétabli. Ainsi s’accrédite l’idée que l’esprit critique n’est pas partout le bienvenu.
Claude LEVI STRAUSS suggérait que le propos des études secondaires soit de se doter d’une boite à outils conceptuelle, que les contenus ne soient jamais une fin en soi, mais la simple occasion de l’acquérir.
Cette suggestion effraiera le plus grand nombre, car c’est trop de liberté.
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