Le latin mundus, comme le grec cosmos, exprime l’idée d’harmonie (dont le français immonde est un éloquent repoussoir).
Il faut y voir un parti pris, une volonté de régenter le chaos.
Les Grecs avaient pleinement conscience que le réel n’avait rien de proprement harmonieux.
Pour imaginer ce qui aurait dû être, ces amoureux de la beauté bien ordonnée se référaient aux mouvements célestes, qu’ils voyaient gouvernés par de grandes horloges.
Il y avait donc du travail, pour rendre l’ ici-bas, présentable, tâche dont l’agriculture et l’architecture furent les principaux opérateurs.
Restait à donner sens à la vie même – illusion aussi précieuse que nécessaire.
Ce fut l’affaire d’un discours religieux et philosophique porté par les prosodies, le vers servant de support à la transmission orale.
C’est ainsi que le mythe s’est révélé le vecteur privilégié d’une régulation du monde, qui réussit – parfois – à nous distraire de l’angoisse existentielle.
Telle est aussi la fonction de l’art et de la fiction.
Le fiction, qu’elle soit lénifiante ou cruelle, nous fait oublier que notre vécu est un grand n’importe quoi.
Même si nous n’avons pas tous la fibre créatrice, nous sommes enclins à rendre signifiants les hasards, rencontres et anecdotes, qui, sans le filtre du souvenir, sans ce désir d’harmonisation, nous laisseraient désemparés, jusqu’à perdre le goût de donner suite.