Il est de moins en moins présent, à l’écrit comme à l’oral.
Au plus grand nombre, le discours direct paraît offrir une garantie d’authenticité, avec la promesse implicite de rapporter des propos tels quels.
Il facilite les mises en scène, se prête aux imitations, aux effets de manche, permet au locuteur de jouer les protagonistes, de se donner le beau rôle ; le désir de briller emportera ses scrupules.
De toute façon, même de bonne foi, le rapporteur peut se tromper ; nous sommes tous sujets aux aléas de la mémoire, qui ne procède pas d’un enregistrement, mais d’une reconstruction.
Il est donc vain de compter sur la fiabilité d’un témoignage abusivement présenté comme une manière brute et intouchée.
Le style indirect séduit moins, oblige à un effort de part et d’autre.
Pour l’émetteur, cet effort est d’abord syntaxique : il faut élaborer et construire, subordonner une proposition objet à un verbe principal, et, selon le verbe choisi, nuancer le degré d’affirmation ; c’est objectivement l’occasion de s’interroger sur la meilleure façon de rendre compte, de peser, plus ou moins consciemment, les risques de partialité, ou alors de les assumer en connaissance de cause.
Pour le receveur, le bénéfice est peut-être encore plus grand ; il fait accéder au dire par une procédure seconde, qui lui laisse de l’espace, pour comprendre et interpréter.
Il n’est plus un auditeur passif, il dispose des moyens de se faire une opinion.
Et cela nous ramène à une loi plus générale : pour éviter de nous cogner au réel, nous avons tous besoin d’une distance – d’un droit de regard.