Triomphe amer de la vertu

La vertue

Nominalement, la vertu triomphe toujours et partout. Il n’est pas d’exemple, en effet, qu’une instance officielle se réclame du vice.

Et si le cynisme règne sans partage sur les sociétés du crime organisé, le discours change dès lors qu’elles cessent d’être un État dans l’État, d’en rester au stade du contre-pouvoir.

Quand les dynasties ont perdu leur légitimité spirituelle, les organisations de type maffieux, dont l’attractivité reposait sur le ressentiment des opprimés, ont calculé qu’il était somme toute plus simple, plus économique, d’incarner directement le pouvoir : plus besoin de corrompre policiers et magistrats, il suffit de devenir l’autorité suprême à laquelle ils doivent se référer.

Nazis et bolchéviks ont bien compris l’intérêt de ce renversement, à condition de masquer ce que leur succès devait à un total manque de scrupules, à la seule considération du rapport de force, à leur foncière inhumanité.

Pour leurs sujets, il fallait qu’ils incarnent une forme de souverain bien, que leur accès aux commandes soit ressenti comme la réparation d’un passé injuste et la garantie d’un avenir meilleur.

Il suffit donc de désigner leurs opposants comme des suppôts du mal, et de les réprimer le plus légalement du monde.

Mais on ne peut exclure l’existence d’un petit nombre d’irréductibles, cabrés contre la tyrannie des médiocres ; elle relèverait d’un phénomène naturel et statistique, telle l’impossibilité de mélanger l’huile et l’eau.

Churchill en a décrit la secrète influence  : « on peut tromper un individu longtemps, on peut tromper un certain temps tout le monde, mais on ne peut tromper tout le monde tout le temps. »