Que se passe-t-il quand rêves et réminiscences ne rapatrient plus que les occasions, trop nombreuses, où nous nous sommes montrés inférieurs aux attentes ?
Il s’agit des moments où nous avons été injustes, voire mesquins, dépourvus d’empathie, ou simplement très stupides, de moments dont la remémoration nous pèse d’autant plus qu’ils ne s’effacent pas.
Nous pourrions nous insurger contre ce procès à charge, protester qu’en beaucoup de circonstances, et de diverses façons, nous avons rendu service, mais il s’agirait d’un contre-feu logique, sans prise sur la dynamique du souvenir.
La réponse la plus saine consisterait à nous demander quel parti en tirer.
Pourquoi ne pas y voir, ante mortem, un procès analogue à celui où l’on pèse les âmes, que les anciens Grecs, les Pères de l’Église, les sages hindous, situent après notre décès, et où se règle le compte de nos fautes ?
Ce scénario serait autrement économique. Il nous inciterait à nous détacher de la part de nous-mêmes la moins digne d’intérêt, vouée à pourrir ou à se consumer, sans qu’il y ait sujet de se plaindre ; en d’autres termes, il tempérerait notre peur de la mort, en la considérant comme un bon débarras, lors même que notre meilleure part, celle qu’il appartient à autrui, et à autrui seulement, de reconnaître, perdurerait dans les mémoires.
Plaise à qui veut d’y voir une forme de survie.